28 jours au Pôle Sud |
Fin 2006, j'ai eu la chance de me rendre au Pôle Sud pour des raisons professionnelles. Cette page donne le récit de ce voyage extraordinaire. En cliquant sur les images, vous pourrez en voir une version agrandie, ou bien vous serez dirigés vers une galerie d'images. Une fois dans la galerie, il vous suffira d'utiliser le bouton "Page précédente" de votre navigateur pour revenir à l'histoire.
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Sommaire
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Pour aller au Pôle Sud, il faut soit être très riche, soit avoir quelqu'un qui aurait une bonne raison de vous y envoyer. Les raisons qui peuvent vous amener au Pôle Sud ne sont pas très nombreuses. Si comme moi vous n'êtes pas citoyen des États-Unis, votre meilleure chance de vous y rendre sera de faire partie d'un programme de recherche dont l'expérience est basée au Pôle.
Je me suis rendu au Pôle Sud parce que je travaille dans la collaboration IceCube. IceCube est un détecteur de neutrinos qui est installé dans la glace du pôle Sud, à une profondeur comprise entre 1450 m et 2450 m. Lorsqu'il sera achevé vers 2010-2011, le détecteur sera composé d'environ 4800 modules optiques et il occupera un volume d'environ 1 km3. Comme ce n'est pas mon but ici de parler de physique des particules, je dirai en simplifiant que ces modules sont conçus pour détecter la lumière crée par les particules lorsqu'elles traversent le volume du détecteur. Chaque module optique, avant d'être installé dans la glace, doit être testé de manière approfondie et c'était précisément mon rôle, à DESY Zeuthen (Allemagne, banlieue de Berlin) ainsi qu'au Pôle.
Ces tests sont importants pour la bonne marche du détecteur. Une fois qu'ils sont mis en place dans la glace, on ne peut plus retirer les modules optiques. Il est donc crucial qu'ils fonctionnent parfaitement le plus longtemps possible et les tests sont prévus pour s'en assurer. C'est pour m'occuper de ces tests que j'ai été envoyé au Pôle pendant un peu plus de trois semaines.
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Pour se rendre en Antarctique dans le cadre du United States Antarctic Program (USAP), deux voies sont possibles. L'une passe par l'Amérique du Sud, et l'autre par la Nouvelle-Zélande. Traditionnellement, tout ce qui va au Pôle passe par la Nouvelle-Zélande et par la base côtière de McMurdo (prononcer "Mac Meurdo"). C'est donc par là que je suis passé moi aussi.
Je pars donc de mon appartement de Berlin le 11 novembre 2006, vers 6h45. Première étape, se rendre à l'aéroport de Berlin-Tegel en métro puis en bus. 45 minutes de trajet.
Arrivé à Tegel, j'enregistre ma valise. Problème ! L'hôtesse ne trouve pas ma réservation dans son fichier. Stress. Finalement, au bout d'un certain temps, elle me demande si je n'ai pas changé mes horaires, par hasard. Effectivement, je les ai changés et je dois par conséquent acquitter un supplément de 100 €. Ça commence bien. Je vois ma valise disparaître avec quelque apréhension : je ne la reverrai que plus de 35 heures plus tard. Enfin, vers 9h, j'embarque pour le premier vol, celui qui m'emmène à Francfort en 1h10.
À Francfort, il pleut. J'essaye de changer ma place pour une située près d'une issue de secours et près de la fenêtre. C'est que le vol suivant va durer 12 heures, et j'aimerais pouvoir allonger mes jambes ! Pas de chance, toutes les places sont occupées. Je sais déjà que je ne vais pas beaucoup dormir et que je ne verrai pas grand chose du paysage.
L'embarquement commence à 12h20, avec du retard. Cette fois ça y-est, c'est parti. Le Boeing 747-400 survole l'Autriche, la Hongrie, la Roumanie, l'Iran, le Pakistan, l'Inde... Avec le système interactif permettant de voir la position de l'avion, je me rends compte qu'à notre altitude de croisière (33000 ft, 10100 m), il fait -48°C, c'est-à-dire à peu de chose près la température que je vais rencontrer au Pôle. Enfin, après le visionnage de trois ou quatre longs métrages et pas une minute de sommeil, c'est la descente et l'approche vers l'aéroport de Singapour.
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On m'avait prévenu qu'en sortant de l'avion, j'aurais un "coup" d'air chaud et humide. En fait, je suis passé de la climatisation de l'avion à celle de l'aéroport. Singapore-Changi a un très beau terminal, avec beaucoup de plantes de toutes sortes, forcément exotiques pour nous Européens. Des espaces verts régulièrement espacés dans le bâtiment apportent une touche de verdure bien agréable. Il y a par exemple un espace pour les fougères arborescentes et un espaces pour les orchydées. Chaque espace dispose d'un bassin dans lequel évoluent des poissons rouges ou blancs.
Je vais passer presque douze heures à Singapour, donc autant essayer de sortir de l'aéroport. Tout est prévu : les passagers de la compagnie nationale ont droit à une visite gratuite de la ville, d'une durée de deux heures. Je m'inscris pour la visite de 11h et en attendant le départ, j'écris et je poste les premières cartes postales du voyage. Je laisse mon bagage de cabine à la consigne et ne garde que mon appareil photo, mon porte-feuille et ma veste.
L'heure sonne et le troupeau de touristes, dont je suis, passe la douane sous bonne surveillance. Le fait d'être inscrit à la visite nous dispense de formalités. Les policiers, en plus du classique fusil d'assaut, ont un poignard long de 40 cm attaché à la ceinture. Comme ils ont la tête de l'emploi et qu'ils connaissent sûrement tous les arts martiaux, mieux vaut ne pas s'y frotter. Enfin, on nous emmène vers le bus. C'est là qu'il faut sortir et effectivement, il fait très chaud et très humide. Dans le bus, évidemment, c'est climatisé. Je suis content d'avoir gardé ma veste !
Nous partons vers le "centre ville" en empruntant la East Coast Pkwy. Ce n'est pas très long. En fait, l'île principale de Singapour fait environ 40 km d'Est en Ouest et 20 km du Nord au Sud. Bien que le nom de l'avenue suggère la proximité de la mer, la plupart du temps, on ne la voit pas : elle est cachée par une rangée de restaurants de toutes sortes. Le bus se dirige vers le centre historique, dont le cachet est donné par les bâtiments et les ponts de style victorien laissés par les Anglais.
Finalement, on nous débarque non loin de la Singapore River. C'est un endroit très touristique. Des gens se font photographier avec un serpent autour du cou. Nous pouvons assister à une course de rameurs avant d'embarquer à bord d'une embarcation qui nous fait faire un petit tour sur la rivière et nous emmène face au célèbre Lion.
L'arrêt a bien duré une heure, et c'est l'heure de retourner à l'aéroport. En passant, nous apercevons l'hôtel Raffles où descendent toutes les célébrités.
Vers 13h, c'est l'arrivée à l'aéroport. On repasse la douane en sens inverse, toujours sous l'œil des policiers. Je recupère mon sac et l'attente commence. J'hésite à repartir en ville : je suis complètement crevé. Dès que je m'assois quelque part, j'ai du mal a ne pas m'endormir. Comme mon vol vers Christchurch est à 21h05, j'essaye de changer ma carte d'embarquement pour avoir une place prêt de l'issue de secours. Et ça marche ! Cette fois, j'arriverai à dormir, c'est sûr. Je passe le reste de l'après-midi à tourner en rond, à lire, à faire des photos et à somnoler dans un fauteuil. Quand je sens le sommeil arriver, je m'arrime à mon sac pour que personne ne puisse le déplacer sans me déplacer avec.
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Et c'est repartip our 9 heures de vol. Cette fois, c'est un Boeing 777-200 et je suis à une bonne place : je peux allonger mes jambes. Au début du vol, j'observe en permanence la position de l'avion : je ne veux pas manquer le passage de l'équateur. J'observe aussi les hôtesses pour voir si un rituel quelconque va accompagner le passage dans l'hémisphère Sud. Rien ! Pas de confettis, pas de champagne ! Je me félicite donc moi-même d'avoir passé l'équateur... Un ou deux films plus tard, et le repas passé, je m'endors, alors que l'avion vient de passer l'Indonésie.
4h30 plus tard, réveil et l'Australie est dépassée. Encore deux heures avant d'arriver : le temps de prendre le petit-déjeuner et de regarder un autre film presqu'en entier. La descente commence. L'avion survole les Alpes du Sud (Southern Alps) juste avant d'arriver à Christchurch. Après 22 heures d'avion au total, je vais pouvoir rester au même endroit pendant deux jours pleins.
Au passage de l'immigration, on me demande pourquoi je suis là. Je réponds que je vais au pôle. "Oooooh, you're going on the ice !!", avec un accent terrible. On me demande le papier justificatif que j'ai reçu peu avant de partir et qui prouve que je dois bien aller en Antarctique. Manque de chance, il est dans ma valise, et je n'ai pas encore ma valise. On me demande ce que je vais faire là bas. Finalement, après consultation d'un supérieur, on tamponne mon passeport. Je peux aller chercher mes bagages.
Les Néo-Zélandais ne plaisantent pas du tout avec l'hygiène. Toute nourriture fraiche est lourdement taxée et il est obligatoire de déclarer le matériel de randonnée (surtout les chaussures) sous peine d'amende. Les bagages sont passés au rayons-X avant que les gens soient autorisés à sortir de l'aéroport.
À la sortie, je suis attendu par une dame portant le blouson rouge du USAP. Elle me donne des papiers à lire, l'adresse de mon hôtel, et la date à laquelle je devrai me présenter au CDC pour essayer les habits polaires. J'ai deux jours pour faire du tourisme et profiter du printemps.
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Christchuch est une ville très verte, avec un immense parc en plein milieu de la ville. En plus, en novembre, toutes les fleurs sont écloses et le dépaysement est impressionnant quand on vient de l'Hiver de l'hémisphère Nord. À part le parc, la ville elle-même, bien que très agréable, ne présente guère d'intérêt. Par certains côtés, on se croirait un peu en Angleterre. Cette sensation était renforcée pour moi car je logeais dans un Bed & Breakfast où j'avais droit tous les matins à des scrambled eggs avec du bacon et du thé english breakfast...
Après mon arrivée à Christchurch, j'avais rencontré deux collègues d'IceCube qui revenaient du Pôle et qui avaient prévu de louer une voiture pour passer quelques jours de vacances à visiter la Nouvelle-Zélande. Ils logeaient dans le méme hôtel et quand ils me proposèrent de venir avec eux pour leur première escapade, je n'hésitai pas longtemps.
Le deuxième jour, nous voilà donc partis en direcion de Anmer Springs, ville connue pour ses sources chaudes. Problème : arrivés à Culverden, on nous indique que la route qui rejoint Anmer Springs est coupée suite à des chutes d'arbres. Ce ne sera pas dégagé avant un bon moment. Nous changeons donc nos plans et décidons de rejoindre l'océan à Kaikoura.
Pour rejoindre la côte, nous traversons la campagne profonde. C'est très vert, valloné et il y a énormément de moutons. En plus, la météo est très bonne. A Kaikoura, la montagne rejoint la mer, ce qui donne une côte plutôt accidentée et un paysage magnifique. Au cap, il y a une mini-réserve où l'on peut voir des phoques et des oiseaux. À la nuit tombée, nous sommes de retour à Christchurch.
Le lendemain, la veille de mon départ pour l'Antarctique, j'ai rendez-vous à 9h au CDC (Clothing Distribution Center) avec le groupe qui doit prendre le même avion que moi. C'est au CDC que l'équipement polaire est distribué aux participants du USAP. Tout sera rendu à notre retour. On nous fournit deux sacs oranges qui contiennent tout l'équipement. L'un des sacs sera notre bagage à main et l'autre le bagage de soute. Cet attirail comprend (et j'en oublie !): des bottes, des chaussons spéciaux en laine polaire à mettre dans les bottes, plusieurs paires de grandes chaussettes en laine épaisse, des collants en tissu synthétique, un pantalon en laine polaire, plusieurs T-shirt à manches longues en synthétique, une polaire classique, plusieurs paires de sous-gants en laine fine, des gants en cuirs, des gants de ski classiques, des moufles en cuir, des mitaines doublées fourrure montant presque jusqu'au coude, une espèce de tube en polaire pour mettre autour du cou, une cagoule intégrale en polaire, deux bonnets en polaire avec rabat sur les oreilles, la combinaison, et enfin une grosse parka rouge. Heureusement, on n'est pas obligé de porter tout ça en même temps ! On nous donne aussi un autre accessoir essentiel : une gourde d'un litre. En Antarctique, surtout au Pôle, l'air est très sec, et la déshydratation est un problème réel. Il est donc important de toujours avoir de quoi boire.
Il est impératif de tout essayer et de bien vérifier l'état des vêtements (fermetures, etc.) car une fois au Pôle, il est difficile de remplacer les pièces en mauvais état. L'essayage dure un bon moment et pendant ce temps, un informaticien vérifie les ordinateurs portables. Ce contrôle est obligatoire avant que l'accès au réseau du USAP à McMurdo et au Pôle soit autorisé.
Une fois l'essayage terminé, le reste de la journée est libre. J'en profite pour écrire les cartes postales. L'accent Néo-Zélandais est assez particulier et je peux en faire l'expérience en achetant les timbres. Avec l'accent, ten (le nombre 10) se prononce comme teeeen, ce qui n'est pas du tout la même chose. Il m'a fallu un petit moment pour me rendre compte du truc. Le dialogue était donc assez amusant : "- Do you want teeeeen ? - Teeeeen ? - Yes, teeeeen,... one, two, three, four, teeeeen - Aaaaaah, ten ! - Yes, teeeeen !"
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Le lendemain de la séance d'essayage, j'ai rendez-vous à 6h au CDC. Je retrouve le même groupe que la veille. Il est obligatoire de porter les vêtements polaires pendant le vol, même si la température dans la cabine est tout-à-fait normale. C'est simplement une mesure de précaution dans le cas où les pilotes seraient contraints à un atterrissage forcé dans les régions froides. Je mets donc pour la première fois toute ma panoplie: collants synthétiques, pantalon polaire, deux paires de chaussettes l'une sur l'autre, les bottes, un T-shirt classique, le T-shirt synthétique à manches longues, la veste polaire, la combinaison, la parka. Je garde des gants et la cagoule dans les poches en prévision de l'arrivée à McMurdo. Dans l'avion, il est obligatoire d'avoir les grosses mitaines sous la main, même s'il n'est pas obligatoire de les porter.
Après l'habillage, il faut faire le tri des affaires à emmener et à laisser. Les affaires à emmener vont dans le sac de soute ou le sac de cabine (comme je l'ai dit plus haut, ces deux sacs sont orange) et tout ce qui reste en Nouvelle-Zélande va dans la valise classique qui nous a servi pour le voyage jusqu'à Christchurch. Les sacs oranges sont souples et il faut arranger les affaires correctement car la place est limitée dans l'avion.
Une fois que tout est casé, c'est l'heure du check-in. On nous donne une carte d'embarquement avec un numéro pour la reprendre deux minutes plus tard et on nous pèse avec notre bagage de cabine. Le bagage de soute va sur une palette et nous passons sous le portique pour le classique contrôle de sécurité. Avant d'embarquer, nous subissons un breifing pendant lequel on nous explique avec une vidéo ce qu'il faut faire et ne pas faire dans l'avion et aussi en Antarctique. Après ça, nous avons un petit moment de répit. Le temps de prendre un petit déjeuner. En tout, toute la préparation aura duré deux bonnes heures.
Le décollage est à 9h. Un peu avant l'heure dite, nous montons tous dans un bus qui nous fait traverser la rue et nous emmène sur le tarmac de l'aéroport de Christchurch. Un Boeing C-17A nous attend. Juste avant d'embarquer, on nous distribue le casse-croute dans un cornet en papier et des bouchons anti-bruit. Les bouchons sont très utiles! Une fois les moteurs démarrés, le bruit est insupportable. C'est là que l'on se rend compte que les avions de ligne sont insonorisés. L'avion est rempli jusqu'à ras bord de matériel dont l'essentiel est destiné à IceCube. Le fret occupe toute la partie centrale de l'avion, et nous autres passagers sommes alignés le long des parois de l'appareil, le dos à la paroi. Le vol va durer à peu près 4 heures, dont environ trois heures et quart au dessus de la mer. Il n'y a pas grand chose à faire, à part attendre...
Enfin, nous survolons la banquise, puis le continent Antarctique. L'arrivée est proche. Le C-17 atterri sur la banquise, en face de la base de McMurdo et du volcan Erebus, qui est pour l'heure complètement caché par les nuages. À la descente de l'avion, un van nous attend.
Pour finir cette partie, un petit film : l'Antarctique vue du ciel, à bord du C-17.
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Il fait environ 0°C. On nous conduit vers la station pour un nouveau briefing. En résumé, on nous avertit de ne pas faire n'importe quoi. Sage précaution. Nous sommes deux à devoir repartir le lendemain pour le Pôle. On nous indique l'heure de notre vol et la procédure pour faire suivre les bagages. On nous demande aussi de passer au service médical.
A l'infirmerie, on nous met en garde contre le mal de l'altitude. Ces derniers temps, de nombreuses personnes ont dû être évacuées du Pôle des suites de problèmes pulmonaires graves. On nous explique comment détecter les premiers symptômes de l'œdème et on nous donne des pilules pour faciliter l'adaptation. Plus tard, nous apprendrons que notre vol vers le Pôle, effectué dans des conditions météo limites, était en fait un vol d'évacuation sanitaire.
La station de McMurdo est un gros village avec quelques boutiques, une poste, des bars. Le bâtiment principal est celui où se trouve la cantine et où nous dormons. Les chambres permettent d'accueillir 5 ou 6 personnes. Comme les gens travaillent en deux shifts de 12 heures et qu'il peut toujours y avoir un dormeur dans la chambre, il est nécessaire de ne pas faire de bruit et la lampe de poche est très utile. Les bouchons anti-bruit sont aussi utiles que dans l'avion, pour un autre type de ronflement ! L'excitation du voyage m'empêche quelque peu de dormir. En plus, comme je respecte la consigne et que je bois beaucoup, il est souvent nécessaire de se relever...
Le matin suivant, il faut remettre tous les vêtements polaires en prévision du vol vers le Pôle. Mais la météo n'est pas terrible. Notre vol est retardé. Les avions ne décollent que lorsque la météo au départ et à l'arrivée sont bonnes. Dans notre cas, c'est au Pôle que le temps est couvert. Pourtant, après deux heures d'attente, le vol est annoncé. Cette fois, nous allons prendre un Hercule LC-130H. Comme nous ne sommes que deux passagers, on nous invite dans le cockpit pour le décollage et l'atterrissage ! Fabuleux !
Petit film : ambiance à McMurdo.
Je passe une bonne partie du vol le nez collé aux deux hublots. La première partie du voyage se déroule au dessus de la chaîne montagneuse trans-antarctique : beaucoup de relief, des glaciers gigantesques. Pour la deuxième partie, nous survolons le plateau, qui a une altitude d'environ 3000 m. De l'avion, il est difficile de dire si nous survolons la glace ou une couche de nuages et il est totalement impossible d'évaluer l'altitude.
Après environ deux heures et trente minutes de vol, on nous fait remonter dans le cockpit pour l'atterrissage.
En regardant devant, on ne voit que du blanc. Aucun point de repère. Si l'avion ne faisait pas tant de bruit, on ne pourrait pas trop dire si nous bougeons ou pas. Sur ma droite se trouve le poste de l'officier de navigation. Je peux voir son altimètre : nous descendons. Après un certain temps, des dessins s'affichent sur l'écran du radar et deviennent de plus en plus clairs. Enfin, en tendant le cou pour voir par dessus les épaules des pilotes, je voix une tache moins blanche droit devant. C'est la station.
Atterrissage en douceur. Il faut remettre toutes les couches de vêtements : il fait -45ºC dehors. Les choses sérieuses commencent !
Petit film : après l'atterrissage.
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Un peu de géographie
Le Pôle Sud est l'intersection de l'axe de rotation de la Terre à sa surface, dans l'hémisphère Sud. Sa latitude est 90º S et sa longitude n'est pas définie. Au Pôle Sud, toutes les directions pointent vers le Nord. Autrement dit, il y a deux catégories de personnes : ceux qui sont au Pôle, et tous ceux qui sont "au Nord" !
Comme il faut bien définir une direction de référence, ne serait-ce que pour que les avions aient un cap pour atterrir, c'est le méridien de Greenwitch qui est pris comme norme. La direction du méridien de Greenwitch est donc prise comme azimuth 0º.
Le jour et la nuit -
La nuit dure la moitié de l'année. Le Soleil se lève autour du 21 septembre. Il monte progressivement dans le ciel et atteint son élévation maximale le jour de l'été austral, le 21 décembre. Ensuite, il descend de plus en plus sur l'horizon pour se coucher vers le 21 mars. Comme la Terre tourne, le Soleil décrit chaque jour un cercle dans le ciel, centré sur le zénith.
L'heure -
Et quelle heure était-il au Pôle hier à la même heure ? Comme le midi est basé sur le temps de passage du Soleil au méridien, que tous les méridiens se rejoignent au Pôle, et qu'il ne peut pas être midi tout le temps, la définition ne tient plus. La convention veut que l'heure au Pôle soit l'heure de la Nouvelle-Zélande. Comme tous le personnel qui occupe la station passe par la Nouvelle-Zélande, cette solution est la plus pratique.
Le Pôle bouge ! -
La position du Pôle est matérialisée par un piquet planté dans la glace. Tous les ans au 1er janvier, le piquet est déplacé.
Entendrais-je quelques cris de surprise ? La raison de cette étrangeté est simple. La station (et tout ce qui l'entoure) est construite sur un immense glacier, qui bouge d'environ 10 m par an, dans la direction de la mer de Weddell et de l'Amérique du Sud. Ainsi, ce n'est pas le Pôle lui-même qui bouge, mais le glacier. Toujours est-il que tôt ou tard, la station Amundsen-Scott ne sera plus au Pôle !
L'altitude -
L'épaisseur de la couche de glace est d'environ 3000 m. Cette couche de glace repose sur le continent Antarctique, dont l'altitude est proche du niveau de la mer à cet endroit. Travailler au Pôle, c'est donc travailler à 3000 m d'altitude. Le manque d'oxygène se fait sentir, les efforts sont plus fatiguants et il faut une période d'adaptation.
La température -
C'est avant tout la faible élévation du Soleil (au maximum 23º le 21 décembre) qui fait que la température au Pôle est faible. Si on ajoute l'effet de l'altitude, on comprends pourquoi le Pôle est un des endroits sur Terre où il fait le plus froid. La température moyenne dont j'ai bénéficiée était de -45ºC. Cette valeur tient compte de l'effet du vent. Les jours les plus "chauds", ceux où le vent était nul ou très faible, la température pouvait atteindre -35ºC. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette différence est nettement perceptible.
La sécheresse -
Un autre effet de la température très faible : la sécheresse de l'air. L'humidité est proche de 0%. Celà provoque quelques désagrément si on ne prend pas de précautions. Il faut boire beaucoup, s'hydrater la peau, le nez...
Au Pôle, il n'y a pas de précipitation. C'est le vent qui amène de la neige en permanence. Environ 20 cm de neige s'accumulent ainsi chaque année. Ces congères peuvent s'accumuler au pied des bâtiments et finir par les recouvrir. C'est pourquoi on construit sur pilotis.
Pour finir cette section, encore un petit film, juste pour l'ambiance... La boule réfléchissante représente le Pôle de cérémonie, une représentation symbolique, entourée des drapeaux des nations ayant signé le traîté Antarctique. Le "vrai" Pôle est situé en arrière plan, un peu à gauche du drapeaux US.
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A suivre !
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